Hugo les miserables
EXTRAIT SUIVI DE COMMENTAIRES
PAGES FINALES DU ROMAN
TOME V : JEAN VALJEAN, LIVRE NEUVIEME ; SUPREME OMBRE SUPREME AURORE
Chapitre V : Nuit derrière laquelle il y a le jour
La portière était montée et regardait par la porte entrebâillée. Le médecin la congédia, mais il ne put empêcher qu’avant de disparaître cette bonne femme zélée ne criât au mourant :
— Voulez-vous un prêtre ?
— J’en ai un, répondit Jean Valjean.
Et, du doigt, il sembla désigner un point au-dessus de sa tête où l’on eût dit qu’il voyait quelqu’un.
Il est probable que l’évêque en effet assistait à cette agonie.
Cosette, doucement, lui glissa un oreiller sous les reins.
Jean Valjean reprit :
— Monsieur Pontmercy, n’ayez pas de crainte, je vous en conjure. Les six cent mille francs sont bien à Cosette. J’aurais donc perdu ma vie si vous n’en jouissiez pas ! Nous étions parvenus à faire très bien cette verroterie-là. Nous rivalisions avec ce qu’on appelle les bijoux de Berlin. Par exemple, on ne peut pas égaler le verre noir d’Allemagne. Une grosse, qui contient douze cents grains très bien taillés, ne coûte que trois francs.
Quand un être qui nous est cher va mourir, on le regarde avec un regard qui se cramponne à lui et qui voudrait le retenir. Tous deux, muets d’angoisse, ne sachant que dire à la mort, désespérés et tremblants, étaient debout devant lui, Cosette donnant la main à Marius.
D’instant en instant, Jean Valjean déclinait. Il baissait ; il se rapprochait de l’horizon sombre. Son souffle était devenu intermittent ; un peu de râle l’entrecoupait. Il avait de la peine à déplacer son avant-bras, ses pieds avaient perdu tout mouvement, et en même temps que la misère des membres et l’accablement du corps croissait, toute la majesté de l’âme montait et se déployait sur son front. La lumière du monde inconnu était déjà visible dans sa prunelle.
Sa figure blêmissait et en même temps souriait. La vie n’était plus là, il y avait autre chose. Son