Humilés et offensés
Éthique et maquis.
Un. Comment comprendre que pour chaque film, ou, mieux, chaque geste cinématographique, s’ouvre un questionnement d’ordre éthique ? C’est qu’il s’agit pour les cinéastes comme pour les diffuseurs d’exercer et d’assumer dans le monde un certain pouvoir, celui de montrer, de faire voir et entendre. Pouvoir ne va pas sans responsabilité. On ne commande pas, on n’obéit pas impunément. Faire entrer de nouvelles conjonctions d’êtres et d’objets dans le champ — déjà bien encombré — du Visible, jouer du voir et de l’entendre dans un monde chargé de spectacles et habité de spectateurs, c’est donc entrer dans la zone dangereuse des responsabilités, où les raisons d'agir, les manières de faire, les manières de filmer et de diffuser sont aussi des manières de penser, des formes d'intelligibilité, des modèles de relations qui portent une pensée du monde, qui font exemple. Acérées sont les épines du maquis de l’éthique.
Le cinéma, la télévision, les écrans multiples de notre temps ont à charge de rendre visibles et audibles, à des spectateurs singuliers, des êtres et des choses, des situations et des états, des circonstances et des récits qui prennent un nouveau sens, une nouvelle dimension, une autre singularité du fait même d’être filmés, enregistrés, montrés, exposés. La mise du monde en cinéma change aussi bien le monde que le cinéma. Pour qui l’exerce comme pour qui le subit, le pouvoir de montrer déplace les lignes : ce sont les présupposés, les attendus et les conséquences de ce(s) déplacement(s) qui concernent l’éthique.
Le pouvoir de montrer des images et de faire entendre sons et paroles suppose donc que l’on présente des « êtres de cinéma » à des spectateurs. (Je dis cinéma pour simplifier : quoi qu’il en soit de ce qui les écarte des conditions de la séance cinématographique, les télévisions ont évidemment hérité de ce pouvoir, l’ont amplifié démesurément, l’ont à la fois