Hunger
J
e serre la flasque au creux de mes mains, même si la chaleur du thé s'est dissipée depuis longtemps dans l'air glacé. J'ai les muscles raidis par le froid. Si une meute de chiens sauvages me tombait dessus en cet instant, il y aurait peu de chances que je réussisse à grimper à temps dans un arbre. Je ferais mieux de me lever, de marcher un peu, de me dégourdir les jambes. Mais je reste immobile, assise sur cette pierre, face à l'aube qui éclaire peu à peu la forêt. On ne peut pas lutter contre le cycle du soleil. Je me contente de l'observer, impuissante, tandis qu'il me précipite dans une journée que j'appréhende depuis des mois. À midi, tout le monde débarquera chez moi, au Village des vainqueurs. Journalistes et cameramen seront venus en force du Capitole. Il y aura même Effie Trinket, mon ancienne hôtesse. Je me demande si elle aura toujours la même perruque rose, ou si elle aura choisi une autre couleur tout aussi ridicule pour notre Tournée de la victoire. De nombreuses personnes m'attendront également : du personnel qui sera aux petits soins pendant toute la durée du voyage, une équipe de préparation pour me pomponner lors de mes apparitions publiques ; et mon styliste et ami, Cinna, le créateur de ces tenues à couper le souffle qui m'ont tout de suite valu l'attention du public dans les Hunger Games. Si cela ne tenait qu'à moi, j'essaierais d'oublier complètement les Jeux. Je n'en parlerais plus jamais. Comme si tout cela n'avait été qu'un mauvais rêve. Mais c'est impossible, à cause de la Tournée de la victoire, qui se déroule, traditionnellement, à mi—chemin entre deux éditions des Jeux. C'est une manière pour le Capitole de raviver et d'alimenter l'horreur des Hunger Games au sein des districts. Non
seulement ils se rappellent à nous chaque année, mais on nous oblige en plus à célébrer l'événement. Et cette fois—ci, je suis la reine de la fête. Je vais devoir voyager d'un district à l'autre, recevoir les acclamations des