Huysmans a rebours. description de salomé
A rebours paru en 1884 traduit la réaction de Huysmans face aux impasses du naturalisme et apparaît vite à un public nourri du pessimisme destructeur comme le véritable manifeste de la littérature « décadente » de la fin du XIXe siècle. Le héros Des Esseintes, blasé par sa vie mondaine et luxueuse, se retire du monde dans un pavillon, à Fontenay, dans lequel il réunit un véritable musée imaginaire : ouvrages précieux, objets rares… pour se consacrer à l'oisiveté et à l'étude. Il s'intéresse, entre autres, aux tableaux de Gustave Moreau, crée des parfums raffinés, un jardin de fleurs vénéneuses, il fait encore incruster dans la carapace d'une tortue des pierres précieuses, mais celle-ci meurt sous le poids des joyaux (symbolisme du réel qui ne peut porter le poids du rêve, du beau). Finalement, Des Esseintes ne parvient pas à venir à bout de cette névrose d’ennui. Le passage que nous commentons s’intègre à un ensemble consacré à la peinture de la cruauté et concerne un moment du mythe de Salomé, après la décapitation de Jean Baptiste.
Lecture
Axes de lecture
Ce texte se présente comme une ekprasis : ce terme emprunté à la rhétorique antique désigne la description verbale d’un objet artistique visuel, un tableau, une sculpture… Le verbe ekphrazein signifie en grec ancien « exposer en détail ». L’œuvre du peintre Gustave Moreau qui est décrite ici est à dominante idéaliste et crée difficilement l’impression d’un déferlement de cruauté et d’érotisme. C’est le regard de Des Esseintes qui métamorphose l’aquarelle en faisant surgir violence macabre et sensualité lourde. On se demandera donc comment la littérature peut rendre compte par des moyens linguistiques de procédés picturaux et nous étudierons d’autre part le parcours du regard de Des Esseintes et son interprétation personnelle du tableau.
I) La description d’un tableau, les procédés de l’ekphrasis et « l’écriture décadente » :
a) Le rendu de la couleur