Hymne
Ils récapitulèrent tout le mal qu'ils s'étaient donné, tant de leçons, de précautions, de tourments.
- «Et songer» disaient-ils «que nous voulions autrefois, faire d'elle une sous-maîtresse ! et de lui dernièrement un piqueur de travaux !»
- «Si elle est vicieuse ce n'est pas la faute de ses lectures.»
- «Moi, pour le rendre honnête, je lui avais appris la biographie de Cartouche.»
- «Peut-être ont-ils manqué d'une famille, des soins d'une mère.»
- «J'en étais une !» objecta Bouvard.
- «Hélas» reprit Pécuchet. «Mais il y a des natures dénuées de sens moral ; - et l'éducation n'y peut rien.»
- «Ah ! oui ! c'est beau, l'éducation.»
Comme les orphelins ne savaient aucun métier, on leur chercherait deux places de domestiques, - et puis à la grâce de Dieu ! ils ne s'en mêleraient plus ! - Et désormais Mon oncle et Bon ami les firent manger à la cuisine.
Mais bientôt ils s'ennuyèrent, leur esprit ayant besoin d'un travail, leur existence d'un but !
D'ailleurs que prouve un insuccès ? Ce qui avait échoué sur des enfants, pouvait être moins difficile avec des hommes ? Et ils imaginèrent d'établir un cours d'adultes.
Il aurait fallu une conférence pour exposer leurs idées. La grande salle de l'auberge conviendrait à cela, parfaitement.
Beljambe, comme adjoint, eut peur de se compromettre, refusa d'abord, puis changea d'opinion, le fit dire par la servante. Bouvard dans l'excès de sa joie, la baisa sur les deux joues.
Le maire était absent, l'autre adjoint Marescot pris tout entier par son étude, ainsi la conférence aurait lieu et le tambour l'annonça, pour le dimanche suivant à trois heures.
La veille seulement, ils pensèrent à leur costume.
Pécuchet, grâce au ciel, avait conservé un vieil habit de cérémonie a collet de velours, deux cravates blanches, et des gants noirs. Bouvard mit sa redingote bleue, un gilet de nankin, des souliers de castor, et ils étaient fort émus en traversant le village.
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