Hypertrophie
Pour une anthropologie du « passant singulier qui s’aventure à découvert »1
Référence de l’article : BREVIGLIERI, M. & STAVO-DEBAUGE, J., 2007, « L’hypertrophie de l’œil. Pour une anthropologie du « passant singulier qui s’aventure à découvert » », in Cefaï, D. & Saturno, C. (dir.), Itinéraires d’un pragmatiste. Autour d’Isaac Joseph. Paris, Economica, 79-98.
« Hypertrophie de l’œil chez Simmel aussi » 2
Lorsque Simmel entend fonder une analyse des faits provenant des modes d’apperception mutuelle et des « influences réciproques qui en dérivent dans leur signification de la vie collective », il suggère que la prédominance de tel ou tel sens donne une connotation notoire au type de rapport entre les individus3. De son point de vue, l’œil accomplit une action sociologique remarquable et incomparable dans la mesure où l’échange de regards représente un rapport immédiat de parfaite réciprocité. Dans chaque échange de regard, naît et s’ouvre une véritable relation : non seulement l’oeil est un organe expressif, il prend toujours une expression, mais il se présente aussi comme un organe de savoir. Au « premier coup d’œil » dirigé vers l’autre, une connaissance étonnante sur l’individualité entière de la personne semble affleurer. Une connaissance qui semble ne pas correspondre à la reconnaissance de quelques traits particuliers et distinctifs, mais plutôt à la compréhension immédiate et pénétrante relative « à qui nous avons affaire ». Il y va d’un savoir qui, pour Simmel, fonderait alors la « base évidente » de la relation4. En ce sens, Simmel, le premier dans la tradition sociologique, témoigne de la « valeur sociologique de l’œil »5.
« (…) tout l’art de vivre se réduit pour l’essentiel à effleurer la surface des choses et à observer scrupuleusement les styles et les manières » 6
L’indéfectible fidélité dont témoigne l’œuvre d’Isaac Joseph à Georg Simmel se distingue notamment dans la manière dont il applique, approfondit et