Icebergs - Henri Michaux
1. Les icebergs: Un spectacle sublime
Le spectacle décrit par Henri Michaux s’apparente nettement aux sujets de prédilection des romantiques, plus proche d’une splendeur monumentale que de l’esthétique du beau équilibré prônée par les classiques. La féerie de ces paysages est indéniable : les « nuits enchanteresses de l’hyperboréal » suggèrent un univers presque merveilleux, rappelant les enchantements des Mille et Une Nuits. Les icebergs impressionnent par leur colossale stature qui les apparente à d’immenses monuments, comme en témoignent les métaphores cosmopolites utilisées par le poète : « cathédrales » européennes, statues d’« augustes Bouddhas » indous, « Phares scintillants » d’Alexandrie...
La démesure est, en effet, la caractéristique du sublime selon Kant : la représentation d’une « totalité illimitée » plutôt que d’une forme. Si la pensée classique s’impose, les règles rassurantes de la raison, l’esthétique romantique, que Michaux rejoint sur ce point, refuse ces « garde-fou[s] » (ligne 1). Le poète exalte ici l’immensité, dût-elle conduire à la folie, à l’hallucination. La première phrase modèle son rythme sur la libération qu’elle évoque : après trois membres courts, « Icebergs, sans garde-fou, sans ceinture », elle s’affranchit des bornes