Il n'y a pas d'amour heureux. aragon: analyse
Analyse
Comme il n’est pas possible à deux êtres qui s’aiment de vivre dans une fusion complète, d’être constamment présents l’un à l’autre, de maintenir l’intensité que leur sentiment a déjà atteinte, comme le lien est toujours rompu même s’il n’est jamais anéanti, le doute, l’incertitude, l’inquiétude s’immisçant, il n’y a pas d’amour heureux.
Cette constatation, Aragon la fit en vivant son amour pour Elsa Triolet, leur couple, très uni, ayant été l’un des plus célèbres du XXe siècle. Il est marqué aussi par l’époque où il fut composé : juste avant la Deuxième Guerre mondiale.
On constate encore ici qu’il était revenu à la prosodie classique, du moins en ce qui concerne le mètre, des alexandrins étant organisés en quintils, le premier et le dernier vers, qui riment, encadrant trois vers aux rimes semblables, suivis d’un octosyllabe qui est aussi un refrain. Du fait de cette variation de mètres, ces strophes peuvent être considérées comme élégiaques, qualificatifs qu’on applique à celles, par exemple, du “Lac” de Lamartine et de “Tristesse d’Olympio” de Victor Hugo. Mais Aragon continua à supprimer la ponctuation, bien que les majuscules à l’intérieur des vers découpent des phrases.
Premier quintil
Il est dominé par le sentiment de l’impuissance de l’être humain sur son destin dont la dureté est rendue par des sons durs, des mots à la rime qui contiennent tous des «r».
Vers 1 : Par une négation initiale encore répétée, ce qui renforce le caractère catégorique, est refusée à l’être humain toute certitude. Or le bonheur tient justement à la stabilité, à la quiétude, à la satiété. La répétition du son «a» renforce le caractère catégorique de l’assertion. Si le peu de fond à mettre sur la force est facile à admettre, l’enjambement crée une surprise et....
Vers 2 : La faiblesse elle-même est incertaine et ce vers coupé, malgré l’absence de ponctuation, aboutit à un autre