Impossible
L’impossible propriété absolue
Le 26 août 1989, jour anniversaire du vote de la Déclaration des droits de l'homme, et singulièrement de son article 17 réputant le droit de propriété "inviolable et sacré", etc., on pouvait lire dans le journal Le Monde une brève d'une quarantaine de lignes au titre accrocheur : « Un propriétaire condamné pour avoir cueilli une plante rare dans son jardin ». Il s'agissait d'un instituteur « qui avait été surpris par les gardes du parc national des Ecrins en train de cueillir chez lui ... des chardons bleus », espèce rare et protégée. Il est vrai qu'il en avait cueilli quelques centaines et que s'il les destinait à son épouse, c'était surtout parce qu’elle était fleuriste à Briançon. Bref, notre instituteur avait été condamné à payer 10.000 francs d'amende et à verser 3.000 francs de dommages et intérêts au Parc des Ecrins ; il s'était pourvu en appel devant la cour de cassation qui venait de rejeter son pourvoi. Cette petite histoire de fleurs nous offre une parfaite illustration de l'actuelle relativité du droit de propriété foncière, puisque, pour parler comme nos anciens juristes, après que l'usus et l'abusus aient été déjà bien écornés, c'est ici le fructus lui-même qui est soumis à restriction. Notre propos est de déterminer s'il s'agit d'une relativisation récente, résultat d'amputations successives d'un droit de propriété qui se serait dégradé après avoir été beaucoup mieux respecté dans sa pureté originelle, ou si au contraire la propriété foncière absolue n'a jamais été qu'un projet, pour ne pas dire un fantasme. Commençons par interroger les textes fondateurs.
Un singulier pluriel.
La rédaction du texte adopté le 26 août 1789 contient apparemment plusieurs anomalies pour les lecteurs que nous sommes. Et tout d'abord cet étrange pluriel "Les propriétés étant un droit..." qui figure dans la rédaction primitive du texte. Le singulier ne sera introduit que plusieurs années plus tard ... sous prétexte