Incipit du diable au corps
Commentaire composé de l’incipit du Diable au Corps.
L’ouverture du Diable au Corps, court roman de Raymond Radiguet publié en 1923 et qui fit scandale à sa sortie, est exemplaire à plus d’un titre.
Dans quelle mesure peut-on dire du scandale du Diable au corps qu’il débute ici ? C’est la question que nous souhaiterions examiner.
À cette fin nous envisagerons tout d’abord cette première page comme un classique début de roman chargé de donner des indications spatio-temporelles et d’engager l’intrigue. Mais nous comprendrons rapidement que le narrateur de Radiguet pervertit les codes réalistes habituels en organisant sa propre défense. Enfin, en nous appuyant sur cet apparent plaidoyer, nous souhaiterions souligner sa dimension provocatrice.
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Radiguet donne à lire un véritable début de roman en indiquant rapidement les données essentielles pour situer l’action et les personnages. Il répond en cette première page aux questions habituelles de l’incipit romanesque. Le narrateur est désigné dès le premier mot- « je »- comme personnage principal et le mot « homme » nous révèle qu’il s’agit d’un homme. La deuxième phrase informe sur l’époque-la guerre-en même temps que sur l’âge du personnage « douze ans » et le début du deuxième paragraphe indique le lieu, F… au bord de la Marne.
Pourtant l’histoire se fait attendre. Si le passé simple et l’imparfait figurent bien ici –« j’eus », « vinrent », « devais », « habitions », « condamnaient »- ces temps sont mêlés à des futurs proches, futurs et présents de vérité générale, temps parfois qualifiés de temps du discours. L’énonciation se révèle alors problématique. Cette incertitude qui naît- récit ou discours ?- se double d’un mystère sur le contenu de l’histoire. Le narrateur évoque une « période extraordinaire », des « troubles », il a vécu une « aventure », et enfin le terme de « sensualité » associé au titre ouvre un horizon d’attente qui est celui du roman