Infirmières en crise
PAR FRANÇOISE ACKER*
En 1988, une longue grève des infirmières avait profondément marqué la vie de l’hôpital et débouché sur une reconnaissance accrue d’une profession qui, au quotidien, fait tourner la machine. Quinze ans plus tard, la crise est à nouveau là. Elle a pour origine la pénurie de moyens, la politique hospitalière d’économie et de restructuration. Mais l’insatisfaction et la frustration ont aussi pour point de départ les transformations du travail infirmier, de ses conditions mais aussi de ses contenus.
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* Sociologue. 1. J. DE KERVASDOUÉ (sous la direction de), La Crise des professions de santé, Dunod, 2003.
epuis des mois, si ce n’est plus, tous les médias se font l’écho de difficultés de fonctionnement des hôpitaux, de personnels soignants débordés aux urgences, d’un malaise, d’une crise des infirmières, voire de l’ensemble des professions de santé 1. Les infirmières semblent être au « bout du rouleau ». Pourquoi ? Cette « crise », si crise il y a, n’est pas la première dans l’histoire de la profession infirmière, ni surtout dans celle des infirmières hospitalières. Qu’on se rappelle le mouvement de 1988. La situation actuelle est-elle nouvelle ? Pour tenter de déchiffrer les raisons des difficultés actuelles rappelons les revendications exprimées par les infirmières en 1988, quelques-unes des transformations récentes de l’hôpital et du groupe infirmier. Si les modifications en cours sont essentiellement des transformations structurelles, elles ont aussi des effets sur les conditions du travail infirmier. Aujourd’hui, ce qui semble être une contrainte insupportable, pour un certain nombre d’infirmières, mais aussi d’aides-soignantes, de cadres et de médecins, c’est de ne plus pouvoir faire son travail, de ne plus pouvoir soigner comme on entend le faire. Pourquoi ? Le mouvement des infirmières de 1988, fortement relayé par les médias, marque en quelque sorte l’entrée de celles-ci sur la scène publique, même