Commentaire

Chénier est un poète rigoureux, discipliné, qui a énoncé des principes et créé des formes. On les retrouvera dans toute son œuvre, jusqu'à ce dernier jour où sa tête, si bien faite, fut tranchée.

Le théoricien érudit

Il admirait les Anciens, Homère, Virgile, tout en s'en démarquant. Dans L'Invention, son grand œuvre théorique, il réfute l'imitation servile, entend exprimer les idées et les mœurs de son temps, mais en des vers dignes de l'art gréco-latin. « Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques. » L'Invention, V,184. Il crée une formule poétique, Iambes, à laquelle appartient l'extrait choisi, et où s'exercera une veine satirique vengeresse : distiques formés de vers de 12 syllabes (alexandrins) et de huit (hexamètres), avec, à chaque possibilité, des associations de syllabes, accentuées ou non, formant un « iambe » sur le rythme [ —]. Ciment du distique : la rime infaillible se déroulant en a, b, a, b, puis, c, d, c, d, etc. De chaque unité, à la fois ample et resserrée, peut jaillir une plainte, un cri, une protestation, une menace, un glaive.
Il recourt à des allusions mythologiques. Ainsi, le commissaire, « Le messager de mort, noir recruteur des ombres », rappelle un personnage des Enfers (Hadès) antiques, quelque divinité funeste, ou Charon, le sinistre passeur des eaux de nuit du Styx ou de l'Achéron. D'ailleurs, le mot « ombres » évoque les âmes errant à jamais le long des inaccessibles parois. Thémis apparaît, déesse d'une justice impitoyable.
Au long du texte, on rencontre aussi des allusions littéraires souvent très explicites. Dans cet extrait, il en est une que l'oreille perçoit d'emblée. « Ainsi donc mon cœur abattu / Cède au poids de ses maux ? » renvoie à la première stance du Cid : « […] je demeure immobile / Et mon âme abattue cède au coup qui me tue. »

Une poésie réaliste

Terrible est la situation. Terrible est le réalisme de cette poésie savante et étudiée. Pas un seul mot ne se dérobe, pas une