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"Madame la baronne, qui pesait environ trois cent cinquante livres, s'attirait par là une très grande considération, et faisait les honneurs de la maison avec une dignité qui la rendait encore plus respectable. Sa fille Cunégonde, âgée de dix-sept ans, était haute en couleur, fraîche, grasse, appétissante."
L'ironie, arme favorite de Voltaire, joue ici à plein régime : la présentation très tendancieuse de Cunégonde (qui n'a que dix-sept ans), ridicule plutôt que noble, en fait d'emblée une sorte d'objet de consommation, à la limite de la "denrée" humaine, de la pâtisserie "copieuse", lourde à digérer de surcroît ! Toute cette mise en scène est également, si j'ose dire, une "mise en bouche" pour le lecteur : ici, la déformation fictionnelle du corps de la femme, sa plasticité physique exagérée provoque un effet de sens très ambigu : l'aspect "alimentaire" de Cunégonde annonce son appétence "sensuelle" évoquée très explicitement quelques lignes plus loin à l'occasion de la fameuse "leçon de physique expérimentale" de Pangloss :
Un jour, Cunégonde, en se promenant auprès du château, dans le petit bois qu'on appelait parc, vit entre des broussailles le docteur Pangloss qui donnait une leçon de physique expérimentale à la femme de chambre de sa mère, petite brune très jolie et très docile. Comme Mlle Cunégonde avait beaucoup de dispositions pour les sciences, elle observa, sans souffler, les expériences réitérées dont elle fut témoin ;