Inquietude_Malebranche_Locke_Leibniz
Malebranche
Les aspirations de l’âme humaine se limitent-elles à ces besoins déterminés, même informés, compliqués, sublimés par la vie en société ? Malebranche, reprenant la parole de saint Augustin : Inquietum est cor nostrum, Domine, donec requiescat in te [Notre cœur est sans repos, Seigneur, jusqu’à ce qu’il repose en toi (Confessions, I, 1)], nous montre qu’elles vont bien au delà, par suite de « la capacité infinie du cœur de l’homme ».
Ainsi notre volonté, toujours altérée d’une soif ardente, toujours agitée de désirs, d’empressements et d’inquiétudes pour un bien qu’elle ne possède pas, ne peut souffrir sans beaucoup de peine que l’esprit s’arrête pour quelque temps à des vérités abstraites qui ne la touchent point et qu’elle juge incapables de la rendre heureuse. Ainsi elle [l’agite et] le pousse sans cesse à rechercher d’autres objets : et lorsque dans cette agitation que la volonté lui communique, il rencontre quelque objet qui porte la marque du bien, je veux dire qui fait sentir à l’âme par ses approches quelque douceur et quelque satisfaction intérieure, alors cette soif du cœur s’excite de nouveau ; ces désirs, ces empressements, ces ardeurs se rallument ; et l’esprit, obligé de leur obéir, s’attache uniquement à l’objet qui les cause ou qui semble les causer, pour l’approcher ainsi de l’âme qui le goûte et qui s’en repaît pour quelque temps. Mais le vide des créatures ne pouvant remplir la capacité infinie du cœur de l’homme, ces petits plaisirs au lieu d’éteindre sa soif ne font que l’irriter, et donner à l’âme une sotte et vaine espérance de se satisfaire dans la multiplicité des plaisirs de la terre : ce qui produit encore une inconstance et une légèreté inconcevable dans l’esprit qui doit lui découvrir tous ces biens.
Il est vrai que lorsque l’esprit rencontre par hasard quelque objet qui tient de l’infini, ou qui renferme en soi quelque chose de grand, son inconstance et son agitation cessent pour quelque temps ; car