Interview joan scott
"Il n'y a pas d'histoire objective " La nouvelle collection « à venir » dirigée chez Fayard par Geoffroy de Lagasnerie se propose de réinjecter un peu de théorie dans la pratique. La grande historienne américaine Joan Wallach Scott était toute désignée pour l’inaugurer.
Professeur au prestigieux Institute for Advanced Studies de Princeton, près de New York, Joan Wallach Scott a contribué à la fin des années 1970 à reconsidérer la science historique. Au moment du triomphe de l’histoire sociale, elle prit appui sur des auteurs français comme Michel Foucault ou Jacques Derrida et publia en 1978 avec Louise Tilly Les Femmes, le travail et la famille, un ouvrage considéré comme fondateur. Cette « french theory » aujourd’hui si décriée par ceux qui l’avaient hier tant encensée – trop peut-être - est réhabilitée par cette francophile dans les trois essais qui forment cette Théorie critique de l’histoire (1). Ils partent tous d’un même constat. L’expérience n’est pas un élément suffisant pour faire de l’histoire. Cette expérience doit à son tour être soumise au crible de l’examen critique.
Pour appuyer sa démonstration, Joan W. Scott à qui l’on doit une importante étude sur les rapports des féministes françaises avec les droits de l’homme (La Citoyenne paradoxale, Albin Michel, 1998) revient sur ce sujet qu’elle connaît bien. Elle montre combien l’image révolutionnaire d’Olympe de Gouges, guillotinée en 1793, fut fantasmée. « Une partie de l’histoire féministe a été de montrer, au moins sous certains aspects, comment toute prétention à l’objectivité n’est en réalité qu’une couverture idéologique derrière laquelle se cache la partialité masculine. » Entre philosophie, politique et psychanalyse, ces essais ont le grand mérite de réintroduire la prudence et le discernement dans l’emploi des catégories. L’histoire se fabrique autant qu’elle nous fabrique. Il suffit de ne pas l’oublier pour éviter les pièges d’un discours