Introduction a la poésie moderne
En guise d’ouverture : réponse de Mallarmé à Degas qui se plaignait de ne pas réussir à écrire des poèmes, alors qu’il avait des idées : « Ce n’est point avec des idées que l’on fait des vers … C’est avec des mots. »
Autrement dit, le langage représente une matière à travailler, dans un geste esthétique[1], tout comme la peinture pour le peintre, le marbre ou la terre pour le sculpteur. Mais Mallarmé dépasse la conception parnassienne de « l’art pour l’art ». Le souci du langage est chez lui au service d’une visée[2] ultime[3] qui relève d’une conception philosophique : faire apparaître poétiquement « l’absente de tous bouquets », c’est –à- dire, l’essence[4] des choses, dévoiler la vérité que masquent –tout en la trahissant-les apparences.
La poésie « moderne » rejette donc toute idée de poésie purement décorative mais recentre son travail poétique sur la lettre [5] même du texte. C’est ce paradoxe qui soutient l’écriture automatique des surréalistes. Abandonner toute maîtrise consciente du processus de l’écriture c’est, pour Breton, attendre du texte produit une révélation illuminante, à l’image de la « beauté convulsive » qu’il définit dans L’Amour fou : « érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle[6] ».
I La redéfinition romantique de la poésie
« Les fibres mêmes du cœur de l’homme »
Le romantisme marque le début de la poésie « moderne » car il conteste les règles de la versification (demeurées inchangées depuis Malherbe au XVIIe siècle) et notamment la division en genres, lui qui recherche, au contraire, un art total. Par ailleurs, les thématiques traitées sont davantage recentrées sur l'être humain. C’est ainsi que, si Victor Hugo publie d’abord des Odes (se plaçant ainsi comme Ronsard au XVIe siècle sous le patronage d’une forme prestigieuse), les titres des recueils suivants Feuilles d’automne et plus encore Les Contemplations témoignent d’une inspiration beaucoup plus