Introduction à la traduction française de l’explosion et la culture, de juri lotman, traduction de inna merkoulova, limoges, pulim, coll. actes sémiotiques, 2005.introduction à la traduction française de l’explosion et
Préface
Jacques Fontanille
L’ensemble de l’œuvre de Lotman est consacrée à la construction d’une sémiotique de la culture. Mais il y a plusieurs manières d’envisager une sémiotique de la culture, et notamment, en forçant un peu le trait, deux grandes tendances, que l’on pourrait caractériser l’une comme extensive, et l’autre comme intensive. Dans le premier cas, la culture est considérée comme la somme (le rassemblement, la conjonction) d’un ensemble d’objets, de textes et de pratiques dans lesquels une communauté se reconnaît : la sémiotique de la culture se divise alors en spécialités, voire en herméneutiques juxtaposées, qui ont pour tâche de décrire chacun de ces types d’objets ou de pratiques. Cette conception a pour conséquence que l’on ne peut savoir ce qu’est une culture qu’à partir des objets et des pratiques qui la constituent, ce qui implique qu’ils doivent avoir été préalablement répertoriés eux-mêmes comme « culturels » (notamment par la tradition) ; implicitement, on présuppose ainsi (i) que l’on sait ce qui est culturel sans savoir ce qu’est telle ou telle culture, et (ii) par conséquent, que le caractère culturel de tel ou tel objet peut être décidé indépendamment de la culture à la laquelle il appartient. En outre, en ce cas, la sémiotique de la culture est, au mieux une fédération d’herméneutiques spécialisées, si ce n’est, à la limite, un lieu vide et problématique. L’avantage tactique évident est qu’une telle conception ne remet en cause ni les découpages disciplinaires ni le consensus académique en matière de classification des objets culturels. Dans le second cas, la culture est considérée comme une activité globale de production, un champ dynamique réglé par des lois générales et par les propriétés syntagmatiques d’une praxis, qui définissent ce qu’est une culture