Invention - monsieur caligula
« Déçu.
-Je vous demande pardon ?
-Vous souhaitiez recueillir mes impressions sur Caligula, de ce brave Albert Camus. Sachez que je suis déçu par cette étonnante scène 14 de l’acte IV.
-Je crains de ne pas vous suivre…
-L’œuvre camusienne présente une doctrine fondée sur la prise de conscience de l’absurdité de la condition humaine.
-Assurément.
-Caius Caligula, qui se heurte à toutes les incohérences du comportement humain, se soulève contre ses semblables et, lui qui a tout compris, tente de leur faire entendre raison.
-L’empereur a les dents longues. Il ambitionne la liberté. Il souhaite voir ses congénères ouvrir les yeux sur ce monde naïf et vain qui les cerne. Il souhaite les voir s’émanciper d’Amour, Amitié et Solidarité qui pour lui se présentent comme un non-sens. Il exige l’envol de chacun. Alors que c’est impossible…
-Pour faire court, il exige la lune.
-Voilà qui parait bien résumé, en effet. Somme toute, ce dénouement illustre parfaitement la chute de ce bon vieil Icare qui s'était rôti les ailes en éprouvant la virulence du Soleil qu'il convoitait si ardemment.
-Tout-à-fait. Or donc, ce monologue se manifeste comme l’ultime confidence de Caligula. Sachez pour votre gouverne que si la tirade prend le ton d’une lamentation, le monologue adoptera celui de la confession. L’un comme l’autre permettent au personnage d’accuser, de défendre ou de s’apitoyer ; seulement, ainsi que le vers alexandrin, l’un mérite qu’on lui accorde un peu plus d’attention : Il s’agit bien-entendu du monologue. Or ici le discours du protagoniste parait se matérialiser progressivement au second plan.
-Au second plan ? Il n’a rien de superflu, ce langage !
-Bien sûr que non ! Il n’a rien de superflu et pourtant ! Pourtant à peine le condamné brise-t-il le miroir qui flatte son échec, que la conjuration investit la pièce. Et pourquoi Hélicon répond-il à l’appel de son maître ? Cela ne revêt aucun sens !
-Bien au contraire, malheureux ! Helicon