Ion platon
(Traduction de Louis Mertz, 1903)
Socrate Bonjour illustre Ion. D’où nous arrives-tu maintenant ? Ne serait-ce pas de chez toi, d’Ephèse ? Ion Pas du tout, Socrate, mais bien d’Epidaure, des jeux en l’honneur d’Esculape. Socrate Les Epidauriens organisent-ils en l’honneur de leur dieu un concours même pour les rhapsodes ? Ion Oui, certes, et pour les autres arts. Socrate Eh quoi ! As-tu concouru, dis-moi ? Et avec quel succès ? Ion Les premiers prix ont été pour nous, Socrate. Socrate A la bonne heure. Allons tâchons de remporter encore le prix aux Panathénées. Ion C’est ce qui arrivera, si les dieux y consentent. Socrate Souvent, en vérité, j’ai envié votre profession à vous, rhapsodes, mon cher Ion. La double obligation où vous êtes d’abord de parer votre corps pour qu’il soit toujours digne de votre art et pour que vous paraissiez aussi beaux que possible, puis d’être versés dans l’étude de beaucoup d’excellents poètes et en particulier d’Homère, le meilleur et le plus divin de tous, et d’en connaître à fond la pensée non moins que les vers, m’a paru chose enviable. Car on ne saurait être rhapsode à moins de comprendre ce que dit le poète. Le rhapsode doit être l’interprète de la pensée du poète pour les auditeurs. Or bien réussir dans cette tâche sans comprendre le sens du poète est impossible. Tous ces privilèges méritent donc qu’on les envie.
Ion Tu dis vrai, Socrate. Pour moi, du moins, c’est cette partie de mon art qui m’a donné le plus de peine ? et je crois parler le mieux du monde sur Homère, si bien que ni Métrodore de Lampsaque, ni Stésimbrote de Thasos, ni Glaucon, ni jamais aucun homme n’a jamais su dire autant de belles pensées sur Homère que moi. Socrate Tant mieux Ion, car il est évident que tu ne refuses pas de montrer ton talent. Ion Oui, je crois qu’il faut entendre, Socrate, comme je fais valoir les vers d’Homère ; aussi je crois mériter des Homérides qu’ils m’accordent une couronne d’or. Socrate Oui, je m’occuperai une