Ionesco
Rome – année 1980
- Lors de la réfection de la statue équestre de l’empereur Marc Aurèle ; ces travaux permirent de mettre au jour une quantité importante de tablettes d’ivoire, couvertes d’une écriture d’époque romaine. Elles étaient dissimulées dans le socle de cette statue et avaient échappé au sac de Rome et aux destructions des barbares. Les archéologues me les apportèrent pour que je tente de les traduire malgré leur écriture très hermétique ; voici en exclusivité, le contenu de la première série de ces tablettes :
- Moi, Marcus Aurelius, fils de l’empereur Antonin, petit fils de l’empereur Hadrien, je vais vous conter mon histoire puisque telle est ma volonté et celle des Dieux.
Tout a commencé en cet hiver si froid de l’an 121. Personne n’arrivait à se réchauffer dans cette immense villa palatinienne bordée de bassins, de statues grimaçantes et d’arbres gigantesques.
Les femmes s’affairaient autour des braseros disséminés çà et là dans d’immenses pièces aux plafonds décorés. Je me suis fait désirer ; ma mère n’en pouvait plus d’après ce que l’on m’a raconté. Voila des heures que l’on me guettait mais je ne voulais point sortir et me plonger dans cet univers nouveau et si froid : tel est le fils d’un empereur : il a droit de choisir son moment après tout ! Finalement, à la suite d’un ultime cri, plus soudain et soutenu, je fus surpris et ému à la fois ; je me laissais donc glisser vers les portes de l’Inconnu. Des doigts fermes et doux m’agrippèrent et me placèrent sur une étoffe ou plutôt un coussin de soie, bordé de pompons en fils d’or. Tout ceci me fut rapporté par la suite, après mon adoption par l’empereur Antonin.
Je fus l’admiration de toute la maisonnée et la fierté de mes parents adoptifs. Tout spécialement quand on me présenta pour l’occasion à la foule en liesse quelques mois plus tard à Rome. Mon père avait fait repeindre le balcon du palais impérial avec de la pourpre. Une rose rouge ornait chaque