Ironie voltairienne
Le Dictionnaire Philosophique portatif s’enrichit progressivement entre l’édition princeps de 1764 et l’édition de 1769 pour atteindre 118 entrées. Parmi celles-ci, on relève 11 dialogues philosophiques. Dans presque tous ces dialogues se rencontre, bien qu’à des degrés divers, l’ironie voltairienne. Ce mélange d’une forme littéraire, le dialogue d’idées, et de l’esprit voltairien dans son expression la plus indirecte, celle de l’ironie, n’est pas le fruit du hasard. On retrouve cette combinaison à la même période dans deux autres entreprises éditoriales du philosophe : les contes et les dialogues philosophiques détachés. Dans les contes, de Zadig à L’Homme aux quarante écus, et même jusqu’aux œuvres des dernières années comme L’Histoire de Jenni ou Les Oreilles du comte de Chesterfield, la trame narrative s’interrompt fréquemment pour faire place à un commentaire heuristique échangé entre deux ou plusieurs personnages. C’est souvent sous la forme d’un dialogue rapporté, mais aussi parfois d’un dialogue direct, sans intrusion du narrateur, sur le modèle de l’écriture de théâtre ou le dialogue platonicien. D’autre part, Voltaire écrit, à partir de 1750, une quarantaine d’entretiens et dialogues philosophiques détachés. Les préoccupations religieuses y apparaissent entre 1753 et 1760; mais c’est dans la période 1760-1768 (celle du Dictionnaire Philosophique) que circulent les quatorze dialogues les plus satiriques, ceux qui attaquent avec âpreté les absurdités de la Bible et les préjugés des Welches (les Français en langage voltairien). Ces dialogues, séparés ou insérés, peuvent être très brefs (comme les échanges de l’Ingénu et du janséniste) ou avoir une longueur de dialogue philosophique à l’antique (comme les 66 répliques échangées entre le géomètre et l’homme aux quarante écus). Ils ont une certaine flexibilité de la forme, depuis le facétieux et très bref « Femmes, soyez soumises à vos