Jacopin
Si le nom d’Érasme est très connu, son œuvre, elle, l’est relativement peu et, à part l’Éloge de la Folie, elle est ignorée du plus grand nombre.
Et pourtant Érasme est un homme et un écrivain qui a eu, au tournant du XVIe siècle, une importance considérable. Il a été, dans l’Europe occidentale un des hommes les plus respectés ; il a été mêlé à tous les débats, en particulier bien sûr les débats religieux, qui ont eu lieu en ces premières décennies du XVIe siècle. C’est la position de cet homme tout à fait singulier, à un moment décisif de l’histoire de l’Europe occidentale que nous voudrions retracer ici.
I L’ÉLABORATION DE LA PENSÉE ÉRASMIENNE
Érasme avait déjà une cinquantaine d’années au moment de la Réforme, au moment où Luther s’est fait connaître. Sa pensée était déjà fermement constituée, et c’est en fonction de la conception qui était la sienne du christianisme et de l’Église qu’il va réagir. Voilà pourquoi il est nécessaire de retracer rapidement les grandes étapes de la vie d’Érasme pour comprendre son attitude pendant les années qui verront éclater l’unité du christianisme d’Occident.
Rotterdam, les premières étapes de la formation
Érasme est né à Rotterdam. Enfant illégitime, fils d’un homme qui deviendra prêtre, il est cependant élevé par ses parents jusqu’à leur mort de la peste en 14841. Il reçoit sa première formation dans des collèges religieux selon la scolastique traditionnelle. La première étape importante est sans doute son passage au Collège de Deventer chez les
Frères de la Vie Commune.
Il n’est pas inutile de donner ici quelques précisions, tant il est vrai que l’enseignement des Frères de la Vie Commune comporte des éléments que nous retrouverons au centre des positions érasmiennes. Cette institution a été créée au XIVe siècle par Gérard Groot, en réaction
(1) Érasme est un prénom, il n’a pas de nom. On le verra se désigner lui-même sous le nom de Désiré
(parfois traduit Didier) Érasme, mais Désiré n’est