Japon
Évelyne Dourille-Feer, Cyrille Lacu*
p. 76-90
Jusqu'en 1991, la solidité de l'économie nippone a reposé sur un modèle de développement dont les grandes lignes ont été tracées dès la seconde moitié du XIX e siècle et le début du XX e siècle, puis remaniées marginalement après la Seconde Guerre mondiale. Ce modèle, conçu avec un objectif de rattrapage – donc de croissance forte – et dans un contexte de relative fermeture du marché domestique, s'est ordonné autour d'un État régulateur, de groupes industriels puissants et de ménages poussés au travail assidu et à l'épargne. Croissance et plein-emploi assuraient le bon fonctionnement du modèle. C'est ainsi que l'État, par le biais réglementaire, a protégé des secteurs domestiques à faible productivité pour en faire des réservoirs d'emplois (BTP, agroalimentaire, distribution…), tout en encourageant la concurrence entre les grands groupes, indispensable pour dégager une balance commerciale excédentaire. En revanche, son rôle en matière de protection sociale est longtemps resté limité, celle-ci étant prise en charge partiellement par les entreprises. La vocation des entreprises était largement « communautaire » : il leur incombait de stabiliser l'emploi en gardant des sureffectifs et d'assurer la formation du personnel. Mais ces surcoûts pouvaient, compte tenu du faible niveau de concurrence, être répercutés sur les prix. D'étroites relations financières entre les keiretsu (groupes diversifiés) et un secteur bancaire fortement réglementé structuraient un modèle de gouvernance propre au Japon. L'organisation capitalistique du groupe était nouée autour de ses institutions financières (cœur financier) et, en particulier, de sa « banque principale ». Celle-ci, en échange de leur fidélité, assurait aux entreprises du groupe un environnement financier stable sur le long terme (gestion des participations croisées et accès à la liquidité). Ce mode