Je n’ai plus que les os...
Ronsard aborde à maintes reprises le thème de la mort dans son œuvre poétique, le plus souvent pour développer une méditation lyrique sur la fuite du temps ou sur les rapports de la beauté et de la mort comme dans l'Ode à Cassandre. A la fin de sa vie, épuisé par la maladie, en proie à de redoutables insomnies, Ronsard choisit d'évoquer dans ses Derniers vers, avec une émouvante simplicité, l'approche imminente de sa propre mort. Je n'ai plus que les os... , le sonnet liminaire de ce court recueil publié par ses amis juste après sa disparition nous présente un tableau saisissant de la dégradation physique du poète, tout en célébrant la valeur consolatrice de l'amitié. Ronsard nous propose une évocation réaliste et baroque de la mort. Il organise cependant aussi un sonnet, à la manière des grecs et des latins, une émouvante cérémonie des adieux, révélant ainsi son acceptation stoïque de la condition humaine.
Lecture du texte
Je n’ai plus que les os, un squelette je semble,
Décharné, dénervé, démusclé, dépoulpé,
Que le trait de la mort sans pardon a frappé ;
Je n’ose voir mes bras que de peur je ne tremble.
Apollon et son fils, deux grands maîtres ensemble,
Ne me sauraient guérir, leur métier m’a trompé.
Adieu, plaisant soleil, mon œil est étoupé,
Mon corps s’en va descendre où tout se désassemble.
Quel ami me voyant en ce point dépouillé
Ne remporte au logis un œil triste et mouillé,
Me consolant au lit et me baisant la face,
En essuyant mes yeux par la mort endormis ?
Adieu, chers compagnons, adieu, mes chers amis,
Je m’en vais le premier vous préparer la place.
Pierre de Ronsard - Derniers Vers - 1586
Commentaire littéraire
I - Une évocation réaliste et baroque de la mort
A - Une description réaliste de l'altération du corps
Evocation insistante de son corps → champs lexical : "os", "bras", "oeil", "corps", "face", "yeux".
Ronsard nous propose une analyse clinique de la dégradation de son