Jean cocteau
Dans l’œuvre Le rappel à l’ordre, publiée en 1926, Jean Cocteau définit la notion de beauté, concernant les livres. Il en vient à affirmer qu’ « un beau livre est celui qui sème à foison les points d’interrogation. » Un « beau livre » engendre donc des interrogations dues à des omissions, et ne laisse pas totalement insensible son lecteur ; il l’amène à réfléchir, et à se poser des questions.
La lecture d’un livre doit révéler des attentes ou des inquiétudes chez le lecteur, soumises par l’auteur. Ces états doivent être guidés par un bon déploiement du propos. Le lecteur doit demeurer dans le trouble, dans un état d’étonnement et de questionnement constants. Les questions sur le déroulement de l’œuvre, sur les révélations que l’auteur pourrait faire forment autant d’hypothèses qui trahissent l’état d’incertitude du lecteur. Cette curiosité se travaille constamment, en préservant la stupeur du lecteur jusqu’à la dernière page. Le livre doit maintenir celui-ci dans l’illusion qu’il va bientôt détenir les clés de l’œuvre, et dans le doute des intentions de l’auteur. Le livre doit garder cet aspect déroutant : jusqu’au dénouement, il doit mener le lecteur sans que celui-ci ne parvienne à surpasser les desseins de l’auteur ; le lecteur ne doit pas parvenir à distancer ou à deviner le narrateur.
Pourtant, l’aboutissement de la lecture d’un livre ne doit quand même pas le dévoiler en totalité. Cette lecture doit marquer, ne pas laisser indifférent. Toute l’ambition d’un « beau livre » est alors d’amener son public à une lecture plus profonde mais surtout plurielle. Un beau livre ne s’épuise pas en une seule lecture : des aspects restent indistincts, des questions sont toujours soulevées. Des épisodes, des caractères, un lexique et une syntaxe déterminés, les choix de l’auteur, sont autant d’éléments qui peuvent conserver une part