Jean giono, recherche de la pureté
On ne peut pas sortir du champ de bataille, alors maintenant on s’y cache. On creuse un trou, on s’enterre, on reste là. Si on vous trouve on vous traîne à la batterie et, entre deux rangées de sacs à terre, on vous fait sauter la cervelle. Bientôt il va falloir faire accompagner chaque homme par un gendarme. Le général dit « ils tiennent ». À Paris est un historien qui s’apprête à conjuguer à tous les temps et à toutes les personnes (compris la sienne) le verbe « tenir à Verdun ». Ils tiennent, mais, moi général, je ne me hasarderais pas à supprimer les gendarmes ni à conseiller l’indulgence à ce colonel du 52e d’infanterie qui est à la batterie de l’hôpital. Cela dure depuis quinze jours. Depuis huit jours les corvées de soupe ne reviennent plus. …afficher plus de contenu…
Il y a cinq jours que nous sommes là-dedans sans bouger. Nous n’avons plus de papier ni les uns ni les autres. Nous faisons dans nos musettes et nous les jetons dehors. Il faut démêler ses bras des autres bras, et se déculotter, et faire dans une musette qui est appuyée sur le ventre d’un copain. Quand on a fini on passe la saleté à celui de devant, qui la passe à l’autre qui la jette dehors. Septième jour. La bataille de Verdun continue. De plus en plus héros. Nous ne sortons toujours pas de notre trou. Nous ne sommes plus que huit. Celui qui était devant la porte a été tué par un gros éclat qui est arrivé en plein dedans, lui a coupé la gorge et l’a saigné. Nous avons essayé de boucher la porte avec son corps. Nous avons bien fait. Une sorte de