Journal
Autour de la Philosophie « Africaine »
Séminaire animé par Paulin Hountondji et Marcien Towa avec la collaboration de Gérard Deledalle Université Nationale du Gabon, Libreville, le 29 janvier 1981
Contre l’ethnophilosophie.
M. Towa : Les ethnophilosophes ne sont ni des ethnologues (pas de méthodologie scientifique) ni des philosophes (pas d’examen critique), ce sont des théologiens. Leur souci n’est pas la recherche, mais l’endoctrinement. Pour ce faire, ils lisent leurs propres présupposés (chrétiens ou musulmans) dans les traditions africaines. A la limite, au début tout au moins, ils ont eu recours à l’ethnophilosophie pour mieux implanter le christianisme qu’ils n’arrivaient pas à propager par simple exposé des dogmes et simple pratique des rites chrétiens européens.
P. J. Hountondji : L’ethnophilosophie ne diffère en rien de la philosophie occidentale traditionnelle jusqu’à Kant. Elle est pré-critique et disserte de toutes les antinomies dénoncées par Kant. Recourir à l’ethnophilosophie n’est pas le meilleur moyen de fonder une véritable philosophie africaine.
Pour une philosophie africaine
M. T. : L’ethnophilosophie met en valeur tout ce qui dans la philosophie africaine a été cause d’échec, tout le côté « affectif » et « mythique ». Il faut emprunter a l’Europe la méthode philosophique qui a permis le « miracle grec », l’usage de la raison. « Emprunter » ne veut pas dire que l’Africain n’a pas toujours fait usage de la raison ; il l’a toujours fait, comme le Grec des temps homériques, mais il doit aujourd’hui en faire l’usage que les Grecs en ont fait pour se donner une philosophie.
P. J. : Il n’y a de philosophie que critique : théorie de la science. Ce qui veut dire que le modèle de toute réflexion est la méthode scientifique, non les résultats de la science. L’épreuve, la mise à l’épreuve a le pas sur la foi, l’évidence s’efface devant le calcul, l’opération, l’action. La théorie débouche sur