Jsuis un fils dechu
Son histoire est celle que bien d’autres intellectuels ont vécue plus tard, dans les années 60, 70 ou même 80. Issu d’une famille de cultivateurs et de bûcherons, Alfred DesRochers accède à la culture par un détour de trois ans chez les pères franciscains, puis se sent devenir étranger au milieu des siens. Attiré par la grande poésie française alors que son histoire familiale est peuplée de défricheurs et de coureurs des bois, le poète de Saint-Élie-d’Orford tentera par son œuvre de concilier l’inconciliable – tradition et modernité – dans une quête d’authenticité qui sera remarquée des plus grands critiques littéraires de son époque et qui fera de lui un phare de la littérature canadienne-française.
"Lorsqu’il écrit À l’ombre de l’Orford en 1929, Alfred DesRochers est déchiré par cette transition, raconte le professeur Richard Giguère. Ses parents ont travaillé de leurs mains toute leur vie, ils étaient tous des artisans. Lui travaille dans un journal, assis sur une chaise, à réfléchir et à écrire… Dans son poèmeLes clôtures, il fait référence aux callosités mortes de ses mains (Et je songe en voyant ces êtres surhumains / Qu’à d’utiles labeurs ne servent pas mes mains / Mes mains où j’aperçois des callosités mortes). Il trouve qu’il fait peu de chose à côté de ses ancêtres bûcherons, draveurs et coureurs des bois! Il est complètement déchiré par ce rapport d’opposition entre la vie de ses ancêtres et sa vie à lui. On sent dans ses poèmes l’authenticité de son cri. Ce n’est pas inventé. C’est d’ailleurs ce qui fait dire au grand poète Saint-Denys-Garneau dans son journal : "Voilà quelqu’un d’authentique", explique le professeur.
Spécialiste de la littérature québécoise et plus particulièrement de la poésie, Richard Giguère fréquente depuis au moins 20 ans l’œuvre de DesRochers. Actuellement en retraite graduelle du Département des lettres et communications, il entretient depuis quelques années le projet d’écrire la