Judith Schangler
La « donne fondamentale », ce pouvait être l’enfance retrouvée
(Baudelaire, Rilke…), le monde d’avant la civilisation, d’avant les habitudes sociales
(Cocteau…), le premier matin du monde, les grandes expériences fondamentales, le monde concret par opposition à l’abstraction intellectuelle ou spiritualiste, Le Parti-pris des choses
(beaucoup sollicité), la vérité recouverte et altérée par l’imposture des apparences... Cette partie pouvait aussi faire sa part aux topoï, à la réécriture des mêmes motifs, à l’intertextualité, à l’imitation… On pouvait aussi réfléchir sur le pouvoir de dévoilement, d’émerveillement de la poésie, sur sa dimension épiphanique.
Le « poème profond » peut aussi chercher autre chose que « l’originel qui était déjà là ». Il peut être invention, création, exploration. Tel a été l’enjeu de la plupart des secondes parties que nous avons lues. Certaines entreprises poétiques visent en effet à découvrir, à trouver de l’inconnu, à déchiffrer des mystères. Baudelaire et Rimbaud, beaucoup sollicités, en apportent la preuve, de même que les surréalistes. La profondeur peut en outre aller de pair avec la prise en compte de la vie contemporaine et du contexte historique. La « modernité » selon Baudelaire, la volonté d’ouverture au monde présent comme dans « Zone » d’Apollinaire, révèlent un autre rapport au temps et à l’espace, une autre vocation assignée à la poésie. La colère et l’indignation alimentent par ailleurs l’inspiration de poètes engagés qui entrent dans un combat sans merci contre ceux qu’ils considèrent comme les ennemis de la liberté, de la vérité et de la justice. Que l’on songe aux Tragiques d’Agrippa d’Aubigné, aux
Châtiments de Victor Hugo ou à l’engagement