Kant critique de la faculté de juger l'eshtetique
CARAVAGE ET L'OPERA
Caravage ou l’oratorio des ténèbres
On a beaucoup souligné le naturalisme du Caravage, l’opposant à ce qu’on nomme un peu vite l’idéalisme des Carrache. Opposition factice, due à Baglione et surtout à Bellori, qui écrivent après la mort du Caravage. En vérité, les deux styles sont proches, et l’accent dramatique et même épique de la chapelle Contarelli n’est pas compréhensible sans la référence à l’art d’Annibal Carrache. En France, l’opposition Caravage-Carrache redouble celle du naturalisme (pensé sur le modèle de celui du XIXe siècle) et du poussinisme, prôné par l’Académie. Évidemment absurde. La complaisance romantique pour le peintre « assassin » (Stendhal) et voyou renforce le malentendu.
Paradoxe du Caravage : celui qui voulut élever les pauvres à la dignité des saints, fut incompris des pauvres et protégé des grands. Pour La Mort de la Vierge, il prend pour modèle, pour figurer Marie, une « prostituée répugnante » du quartier des Ortacci selon Mancini, « une femme morte gonflée », ce qui fera penser à une noyée, selon Bellori. Le tableau choquera les paroissiens de Santa Maria della Scala, dans un quartier pauvre du Trastevere, sera refusé par les Carmes qui l’avaient commandé, mais acheté par le duc de Mantoue sur les conseils de Rubens en personne. Dès ses débuts, c’est le puissant cardinal Francesco Maria del Monte qui tire le peintre de la misère, et la prestigieuse collection du marquis Vincenzo Giustiniani comptera jusqu’à treize Caravage, dont le Saint Matthieu et l’Ange, refusé par le clergé de Saint-Louis-des-Français pour sa pose choquante, et le très provoquant Amour vainqueur aujourd’hui à Berlin. Et si le fugitif croit pouvoir en 1610 regagner Rome qui l’avait banni quatre ans plus tôt, c’est parce que de puissantes protections, le cardinal de Gonzague, le cardinal Scipion Borghèse, étaient intervenues auprès du pape en sa faveur : il mourra à Porto