Kant
Si le devoir paraît contraire à la nature, et parfois particulièrement pénible à accomplir, c'est que l'humanité n'est pas encore universellement considérée comme une fin. De sorte que, pour un sujet moralement autonome, qui ne manque pas de bonne volonté, l'obstacle majeur et véritablement infernal à la pratique du devoir est constitué par «les autres», ceux qui, n'agissant pas comme ils devraient, le placent, artificiellement, dans des situations contre nature, d'une perversité diabolique: c'est ce qui se produit lorsque, par exemple, quelqu'un est invité par un assassin à dénoncer, sous peine de mort, la cachette d'un ami qu'il poursuit pour le tuer. De tels cas d'espèce, heureusement exceptionnels, ne doivent pas nous laisser enfreindre nos principes ni nous incliner au mensonge. Il reste seulement à espérer, en l'occurrence, que, en nous refusant à mentir, nous ne déterminerons pas la perte de notre ami.
Les concepts de finalité et de beauté
Le sujet moral légifère donc souverainement. Or la nature (en nous et hors de nous) contrarie généralement la recherche de ce qu'on nomme communément le bonheur (qui, selon Kant, n'est qu'un «idéal de l'imagination»). Elle exige parfois même le sacrifice de notre intérêt personnel. Mais il suffit qu'elle ne s'oppose pas absolument à l'accord du vrai bonheur avec la moralité – accord qui constitue le souverain bien – pour