Karl popper " la société ouverte et ses ennemis"
« Il en va en politique comme dans les sciences : le rationalisme ne consiste pas à établir une vérité unique et définitive – une idée unique du bonheur : il consiste à admettre la possibilité de critiques.
Vouloir le bonheur du peuple est, peut-être, le plus redoutable des idéaux politiques, car il aboutit fatalement à vouloir imposer aux autres une échelle de valeurs supérieures jugées nécessaires à ce bonheur. On verse ainsi dans l’utopie et le romantisme ; et, à vouloir créer le paradis terrestre, on se condamne inévitablement à l’enfer. De là l’intolérance, les guerres de religion, l’inquisition, avec à la base, une conception foncièrement erronée de nos devoirs. Que nous ayons le devoir d’aider ceux qui en ont besoin, nul ne le conteste ; mais vouloir le bonheur des autres, c’est trop souvent forcer leur intimité et attenter à leur indépendance.
Tels sont les arguments qui m’amènent à soutenir la thèse opposée, celle du rationalisme critique, étroitement apparentée, je l’ai déjà dit, à la méthode scientifique par son recours au raisonnement et à l’expérience. Elle part de l’idée que nous pouvons commettre des erreurs et les corriger nous-mêmes ou permettre aux autres de les corriger en acceptant leurs critiques. » KARL POPPER, La société ouverte et ses ennemis (1962).
1) Ce texte écrit par Karl Popper, grand épistémologue du XXe siècle, a pour thème une forme précise de totalitarisme politique qui prétend faire le bonheur du peuple tout en lui imposant un mode unique d’existence. Ce totalitarisme pouvant désigner des expériences politiques diverses, mais semblables sur le fond : on peut le trouver dans le fondamentalisme religieux, dans les différents fascismes, dans certaines idéologies révolutionnaires, mais aussi dans certaines dérives de la démocratie, qui peut tendre à uniformiser les désirs, les aspirations et les modes de pensée, à rendre