L'étranger d'albert camus
(1942)
L’ÉTRANGER Roman
Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi
Courriel: jean-marie_tremblay@uqac.ca
Site web pédagogique : http://www.uqac.ca/jmt-sociologue/ Dans le cadre de: "Les classiques des sciences sociales"
Une bibliothèque numérique fondée et dirigée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie …afficher plus de contenu…
Quand nous nous sommes rhabillés, elle a eu l'air très surprise de me voir avec une cra- vate noire et elle m'a demandé si j'étais en deuil. Je lui ai dit que ma- man était morte. Comme elle voulait savoir depuis quand, j'ai répondu :
« Depuis hier. » Elle a eu un petit recul, mais n'a fait aucune remarque.
J'ai eu envie de lui dire que ce n'était pas ma faute, mais je me suis arrêté parce que j'ai pensé que je l'avais déjà dit à mon patron. Cela ne signifiait rien. De toute façon, on est toujours un peu fautif.
Le soir, Marie avait tout oublié. Le film était drôle par moments et puis vraiment trop bête. Elle avait sa jambe contre la mienne. Je lui caressais les seins. Vers la fin de la séance, je l'ai embrassée, mais mal. En sortant, elle est venue chez …afficher plus de contenu…
L'épagneul a une maladie de peau, le rouge, je crois, qui lui fait perdre presque tous ses poils et qui le couvre de plaques et de croûtes brunes. À force de vivre avec lui, seuls tous les deux dans une petite chambre, le vieux Salamano a fini par lui ressembler. Il a des
[43] croûtes rougeâtres sur le visage et le poil jaune et rare. Le chien, lui, a pris de son patron une sorte d'allure voûtée, le museau en avant et le cou tendu. Ils ont l'air de la même race et pourtant ils se détes- tent. Deux fois par jour, à onze heures et à six heures, le vieux mène son chien promener. Depuis huit ans, ils n'ont pas changé leur itinérai- re. On peut les voir le long de la rue de Lyon, le chien tirant l'homme jusqu'à ce que le vieux Salamano bute. Il bat son chien alors et il