La belle dorothée
Traitée sous forme de Commentaire C’est en 1841, durant son fameux voyage à destination des Indes, imposé par son beau-père, le commandant Aupick, que Charles Baudelaire, quittant le navire débarque à La Réunion (L’île Bourbon) où il découvre les charmes de l’exotisme. Cette courte expérience marque définitivement son inspiration : on la retrouvera dans nombre de poèmes des Fleurs du Mal. Mais l’un des textes les plus achevés, dans ce domaine, est sans conteste un poème en prose où l’auteur met en scène une superbe jeune femme des îles dont la beauté enchanteresse sidère littéralement le paysage et ses habitants : « La Belle Dorothée ». Dans ce poème, la description est riche en couleurs et en détails : obéissant à la maxime antique, Ut pictura poïesis, le poète, qui emprunte la palette du peintre, s’attache à brosser un véritable tableau vivant. On peut également remarquer que, tout en suggérant la psychologie de la jeune Dorothée, Baudelaire parvient à mettre en place une atmosphère exotique.
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Dans ce poème en prose, la dimension picturale est mise au premier plan : Baudelaire attache une importance particulière aux couleurs ; elles lui permettent d’esquisser la silhouette suggestive de Dorothée. Il s’agit également d’une description dynamique qui évoque le mouvement. D’emblée se trouve mis en place un décor écrasé par la lumière du jour : deux adjectifs, « droite et terrible », qualifient cette lumière aveuglante qui réduit à néant toute activité humaine et semble abolir la volonté des habitants de ces régions. Ce climat particulier permet également au poète d’introduire une connotation morale : « le monde stupéfié s’abaisse lâchement » souligne l’abandon veule dans lequel est plongée l’île : a-t-on jeté un sort à sa population (sans nul doute constituée en partie de colons blancs) et Dorothée, qui bientôt va entrer en scène, est-elle responsable de cet envoûtement ? L’idée de