La Compagnie Des Loups
Il est une bête et une seule qui hurle dans les bois la nuit.
Le loup est le carnivore incarné et il est aussi rusé qu'il est feroçe; une fois qu'il a tâté de la chair humaine, rien ne la peut remplacer.
La nuit, les yeux des loups brillent comme des flammes de bougies, jaunâtres, rougeâtres, mais c'est parce que la pupille de leurs yeux s'engraisse d'obscurité et capte la lumière de votre lanterne pour vous la renvoyer -rouge comme danger; si les yeux d'un loup reflètent le seul clair de lune, ils brillent alors d'un vert froid et surnaturel, une couleur perçante, minérale. Quand le voyageur surpris par la nuit aperçoit ces terribles ducats lumineux cousus soudain sur les broussailles noires, il sait alors qu'il lui faut courir, si l'effroi ne le paralyse pas sur place.
Mais ces yeux sont tout ce que vous pourrez entrevoir des assassins de la forêt alors même qu'ils s'assemblent invisibles autour de votre odeur de viande si vous êtes assez peu sage pour traverser les bois la nuit. Ils seront comme des ombres, ils seront comme des spectres, membres gris d'une congrégation de cauchemar; horreur! son long hurlement modulé... un aria de frayeur rendu audible.
Le chant du loup est le bruit du tourment qu'il vous faudra souffrir; en lui-même, c'est déjà un meurtre.
C'est l'hiver et il fait froid. Dans cette région de montagnes et de forêts, il ne reste désormais plus rien dont les loups pourraient se nourrir. Les chèvres et les moutons sont enfermés dans l'étable, le daim est parti pour les derniers pâturages des pentes méridionales - les loups deviennent maigres et faméliques. Il y a si peu de chair sur eux qu'on pourrait compter leurs côtes à travers la peau, s'ils en laissaient le temps avant de bondir. Ces mâchoires dégouttantes de bave; cette longue langue; la guirlande de salive sur ces bajoues grises - de tous les périls qui grouillent la nuit dans la forêt, fantômes, gnomes, ogres qui grillent des nourrissons sur des grils