La conception du personnage de roman
« Un personnage de roman est simplifié et construit. On peut le comprendre. Dans la vie réelle, les êtres vivants sont des énigmes dangereuses. Leurs actions sont imprévisibles. Leurs pensées semblent entrer en eux, puis s’enfuir avec une rapidité qui confond. Dans ce désordre l’intelligence a grand-peine à trouver sa route. Au contraire, un personnage de roman est formé de ce que l’auteur y a mis. Créé par l’intelligence d’homme, il est accessible à une intelligence d’homme. »
André Maurois.
« Les grands artistes sont ceux qui imposent à l’humanité leur illusion particulière. Notre vision, notre connaissance du monde par le secours de nos sens, nos idées sur la vie, nous ne pouvons que les transporter en partie dans tous les personnages dont nous prétendons dévoiler l’être intime et inconnu. C’est donc toujours nous que nous montrons. L’adresse consiste à ne pas laisser reconnaître ce moi par le lecteur sous tous les masques divers qui servent à le cacher. »
Guy de Maupassant, Pierre et Jean, Préface.
Un personnage de roman est différent d’une personne parce qu’il est fictif. On peut se demander quels sont les liens qui l’unissent à une vraie personne. Certes, il est construit par l’auteur, qui en devient le créateur, en lui donnant un rôle dans une société choisie. Mais le lecteur peut s’interroger sur les raisons et les choix qui ont conduit à cette création et sur les idées et la vision du monde qu’il reflète.
Le choix de l’auteur peut en faire un être « simplifié », selon le terme d’André Maurois. Cela signifie, par exemple, que l’auteur ne lui donnera qu’une seule tâche, celle de mettre en lumière un caractère (ex : l’avarice dans Eugénie Grandet de Balzac) ou une démonstration philosophique ( ex : Candide de Voltaire), soit pour mieux dénoncer, ou encore pour appuyer sa thèse. Le personnage devient alors une machine construite autour d’un seul élément. L’art de l’auteur doit donc consister