La conscience et la subjectivité
Après examen du langage, nous avons admis que la tentative de s’exprimer n’était pas entièrement vaine, à condition que l’élucidation des mots et des pensées s’opère de manière réciproque, dans un mouvement synergique d’approfondissement. Contre le dogmatisme des « réalistes » (ceux qui affirment qu'il « faut être réaliste, c'est comme ça que ça se passe »), nous choisissons de soumettre nos idées à l’épreuve. Que savons-nous de manière certaine ? Question évidemment capitale, puisque tout le reste en dépend : nos idées, mais aussi nos choix politiques, professionnels, familiaux etc. Si vous ne vous posez pas cette question, vos choix ne seront pas éclairés et vous abandonnerez votre vie aux hasards de la Fortune. Seuls des irresponsables, des « inconscients » peuvent vivre sans se poser cette question ; mais dès qu’on la pose, des difficultés très graves se manifestent. (Ci-contre : La condition humaine de René Magritte, 1933.)Sextus Empiricus et les sceptiques antiques (Pyrrhon) remarquent que certains voient mieux de loin que de près, tandis que pour d'autres, c'est le contraire ; les daltoniens ne distinguent pas les couleurs, alors que d'autres les distinguent ; quant aux aveugles, ils ne voient rien du tout. D'une personne à l'autre, les perceptions diffèrent considérablement ; et on ne voit pas du tout pour quelle raison on jugerait « faux », « inexact » ou « erronné » le sentiment de telle personne, qui diffère du nôtre. Nous ne pouvons pas, en effet, accéder directement (par télépathie) aux sentiments et aux pensées d'autrui : dès lors, juger les sentiments d'autrui ne peut jamais s'opérer de manière éclairée. Un tel jugement est toujours injuste. Par esprit de justice, alors, nous devons accepter comme également pertinentes toutes les impressions qu'un même objet peut provoquer. A ce stade, devant telle fleur (ci-contre, une joubarbe) que l'un qualifie de « rose », l'autre de « carmin », le troisième de « pourpre », le