La conscience peut elle être objective ?
Dans un sens trivial, la conscience consiste en la saisie immédiate du réel par l'esprit. Elle enregistre l'information du réel par la sensation, la sauvegarde dans la perception selon les affinités qu'elle y décèle pour la reproduire dans l'imagination. La conscience habite en quelque sorte le monde, elle est comme un sentiment intérieur que toute âme a d'elle-même. Mais elle serait par là toujours une conscience singulière, instantanée et évanescente. La conscience est aussi une objectivation du monde, sa construction en un monde rationnel. Elle a des règles (catégories et principes) qui la structurent pour formuler les lois qui président à l'existence et à la succession des êtres et des choses. Aussi s'agit-il de nous interroger sur ce qui rend compossibles l'exigence rationnelle et objective et donc universelle de la conscience et ce fond irrationnel et subjectif du monde privé et parfois incommunicable qu'est le psychisme.
La conscience est investie par la sensation ou importe de la sensation dans ses expressions. Elle est riche d'émotions. Le monde fuse en elle comme un flux d'expériences éphémères, instables, plurielles. La modification ininterrompue de la vie intérieure, sans rivage, consiste en une mosaïque d'événements psychiques contiguës qui tapissent en quelque sorte le fond sur lequel se détachent des formes. Indifférents à la vérité et par là à la possibilité de l'erreur comme à la vraisemblance de l'opinion, à la distinction de l'intériorité et de l'extériorité, nous y dramatisons nos vies intérieures en mondes privés que nos tenons pour des mondes absolus. Les phénomènes de la vie psychique, tels que l'oubli, l'intermittence de la conscience, le rêve, la vie passionnelle n'en seraient que des aventures. Sensible au temps, la conscience draine le lot du passé ; dispersée dans le renvoi labyrinthique du présent, elle a pour échéance un futur imprévisible et incertain, d'où le souci et la préoccupation.