La controverse de Valladolid ch15 LA texte surlign
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– S’il est clair que les Indiens sont nos frères en Jésus-Christ, doués d’une âme raisonnable comme nous, et capables de civilisation, en revanche il est bien vrai que les habitants des contrées africaines sont beaucoup plus proches de l’animal. Ces habitants sont noirs, très frustres, ils ignorent toute forme d’art et d’écriture, ils n’ont construit que quelques huttes… Aristote dirait que, comme le veut la nature de l’esclave, ils sont des êtres totalement privés de la partie délibérative de l’esprit, autrement dit de l’intelligence véritable. En effet, toute leur activité est physique, c’est certain, et depuis l’époque de Rome ils ont été soumis et domestiques.
Ces considérations ne soulèvent dans la salle aucun étonnement marqué. Le légat ne fait qu’énoncer là quelques lieux communs, que tous sont prêts à accepter même si Las Casas et
Ladrada montrent une inquiétude grandissante. Le cardinal demande aux deux colons :
– Des Africains ont déjà̀ fait la traversée ?
– Oui, Eminence, répond Ramon. Depuis les premiers temps de la conquête.
Certains – mais sans le formuler – peuvent être surpris de l’ignorance du légat. Peut-être, à
Rome, n’en parle-t-on que rarement ? Ici, dans la péninsule, on sait bien qu’à plusieurs reprises, déjà̀ , le roi d’Espagne a permis le transfert de milliers d’esclaves d’Afrique ; quatre mille dès 1518, cinq autres milliers par la suite, et cela sans parler des transports clandestins. Le supérieur du couvent, à voix basse, rappelle tous ces faits au prélat, ou fait semblant de les lui rappeler. Quel jeu se joue ? On ne sait pas au juste. Le prélat s’enquiert :
– Ils s’adaptent vite au climat, j’imagine ?
– Ils sont même assez résistants, répond Ramon.
– Qui les expédie ?
– Au début, les Portugais surtout. Ils les capturent, les transportent, puis ils les revendent. Très cher d’ailleurs. Des Espagnols aussi s’y sont mis. Des Anglais…
– Ils acceptent leur