La Croissance Des 30 Glorieuses Dossier
(PDEM)
1945-1975
Documents d’accompagnement
Jean Fourastié, Les Trente Glorieuses, Paris, 1979
EXTRAIT 1
Je connais bien ces deux villages, et depuis longtemps. Non seulement pour y avoir vécu en moyenne plus de deux mois par an depuis un demi-siècle, mais pour avoir réuni sur eux une masse d’informations écrites, issues des archives publiques, privées, notariales ou familiales, de l’état civil, des recensements, d’enquêtes d’économistes, de sociologues et de démographes et, bien entendu, de tous les documents imprimés traitant sinon d’eux-mêmes, du moins de leur région. [….]
Ces deux villages s'appellent l'un Madère, l'autre Cessac.
Le village de Madère - je pourrais écrire la paroisse de Madère, car tous ses habitants sont chrétiens baptisés, la majorité pratique chaque dimanche, et de mémoire d'homme, l'on n'y a encore vu que quatre enterrements civils. Il a, d'après les chiffres du recensement, 534 habitants.
De ces 534 habitants les quatre cinquièmes sont nés à Madère ou dans des paroisses voisines, distantes de moins de 20 km, soit moins de quatre heures de marche. Cela marque déjà un certain acheminement vers des temps nouveaux car, cinquante ans plus tôt, c'étaient 97 % des habitants qui étaient nés sur le terroir, et, vingt ans plus tôt, encore 90 %.
Sur ces 534 habitants, 40 ont plus de 70 ans, et 210 moins de 20 ans. Il y a environ 12 naissances en moyenne par an, et 8 décès, dont près de 3 chaque deux ans sont des décès de bébés de moins d'un an. Tous ces chiffres sont très inférieurs à ceux qui étaient enregistrés à Madère au siècle précédent, où la mortalité infantile dépassait 30 %o, la natalité 40 %o. Calculée sur l'ensemble de la région où se trouve Madère, la mortalité infantile est de l'ordre de 10 %o et l'espérance de vie à la naissance, de 60 à 62 ans. Ceci confirme que Madère n'est plus dans son état traditionnel millénaire, et a nettement commencé son «