DOCUMENTATION GÉNÉRALE

La « matinée à l’Anglaise » ou l’expérience du supplément heureux Jean-Jacques Rousseau, La Nouvelle Héloïse, Cinquième partie, lettre 3 (1)
Cette lettre s’insère dans la deuxième grande partie du roman : Saint-Preux et Julie ne sont plus amants, l’ordre social – représenté en la personne du baron d’Etange, père de Julie, homme de préjugés qui cautionne l’inégalité d’un système où seuls les individus ayant un rang et un nom ont du mérite –, a triomphé de leur passion. M. de Wolmar, informé de la passion qui a uni son épouse à son jeune précepteur, conscient de l’unicité et de la perfection des sentiments qu’ils éprouvèrent l’un pour l’autre, invite SaintPreux à venir vivre à Clarens. Proposition que l’Ami accepte au retour d’un long périple de quatre années autour du monde. La petite communauté goûte au bonheur de l’amitié
(1) OC, Pléiade, t. II, pp. 557-560. Toutes mes références renverront à cette édition des Œuvres Complètes, et ce pour l’ensemble des écrits de Rousseau que je serai amenée à citer ; les indications de pages apparaîtront à la fin des citations, dans le corps du texte (pour le texte de La Nouvelle Héloïse, je ne préciserai que la partie – le roman comportant six parties – et le numéro de la lettre, pour les citations extraites d’ouvrages autres que La Nouvelle Héloïse, j’indiquerai en note le tome correspondant). L’orthographe sera modernisée.

et se retrouve, dans notre passage, pour une « matinée à l’Anglaise » : moment de silence et d’intimité, où les cœurs s’épanchent, où les âmes s’unissent, moment d’exception dans le roman puisque le « froid Wolmar » lui-même est gagné par l’intensité de la scène. Lire cette lettre de Saint-Preux à Milord Édouard, c’est, d’une certaine manière, pénétrer dans un cercle de perfection, délimité nettement dans le temps et l’espace. Cette perfection se décline de diverses façons. C’est l’élaboration progressive d’une spécularité positive, la ligne serpentine des regards croise les