La Difficult De Communication Entre Les Personnages
Dans En attendant Godot
«ESTRAGON (tout en mâchant). – Je t’ai posé une question. / VLADIMIR. – Ah. / ESTRAGON. – Est-ce que tu m’as répondu? / VLADIMIR. – Elle est bonne, ta carotte? / ESTRAGON. – Elle est sucrée. / VLADIMIR. – Tant mieux, tant mieux. (Un temps.) Qu’est-ce que tu voulais savoir? / ESTRAGON. – Je ne me rappelle plus. (Il mâche.) C’est ça qui m’embête. (Il regarde la carotte avec appréciation, la fait tourner en l’air du bout des doigts.) Délicieuse, ta carotte. (Il en suce méditativement le bout.) Attends, ça me revient. (Il arrache une bouchée.) / VLADIMIR. – Alors? / ESTRAGON (la bouche pleine, distraitement). – On n’est pas liés? / VLADIMIR. – Je n’entends rien. / ESTRAGON (mâche, avale). – Je demande si on est liés. / VLADIMIR. – Liés? / ESTRAGON. – Li-és. / VLADIMIR. – Comment, liés?»[2] Cette citation est l’une des plus représentatives de l’incapacité de communiquer entre les personnages. Leur très fragile mémoire fait qu’ils oublient toujours ce qu’ils font et ce dont ils sont en train de parler, ce qui les empêche d’approfondir un sujet de conversation. Ils sont condamnés à l’éternel recommencement. Dès qu’il y a un silence et que l’un d’eux relance la conversation, l’autre ne le suit plus et ne comprend pas du tout de quoi il est question. Leur conversation tourne donc en rond et le coq-à-l’âne est omniprésent dans la pièce. Leur attention, autant que leur mémoire, est sans arrêt détournée pour un rien. Lorsqu’une question leur est posée, ils répondent rarement quelque chose de sensé. La plupart du temps, la réponse n’a absolument aucun lien avec la question ou encore, c’est une réponse toute faite et vide de sens, un cliché: «VLADIMIR. – Charmante soirée. / ESTRAGON. – Inoubliable. / VLADIMIR. – Et ce n’est pas fini. / ESTRAGON. – On dirait que non. / VLADIMIR. – Ça ne fait que commencer. / ESTRAGON. – C’est terrible. / VLADIMIR. – On se croirait au spectacle. / ESTRAGON. – Au