La domination masculine
La domination masculine
In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 84, septembre 1990. pp. 2-31.
Citer ce document / Cite this document : Bourdieu Pierre. La domination masculine. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 84, septembre 1990. pp. 2-31. doi : 10.3406/arss.1990.2947 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1990_num_84_1_2947
Résumé La domination masculine. Pour tenter d'analyser la domination masculine, forme par excellence de la violence symbolique, on s'est appuyé sur les recherches ethnologiques menées chez les Kabyles, berbérophones d'Afrique du nord. Véritable conservatoire culturel, cette société montagnarde a maintenu tout à fait vivant, notamment dans ses pratiques rituelles, dans sa poésie et ses traditions orales, un système de principes de vision et de division qui est commun à tout le monde méditerranéen et qui survit, encore aujourd'hui, dans nos structures mentales et, partiellement, dans nos structures sociales. On peut donc traiter le cas de la Kabylie comme une "image grossie" où se lisent plus aisément les structures fondamentales de la vision du monde masculine. De cette lecture, il ressort d'abord que, du fait de l'accord immédiat entre d'un côté les structures sociales telles qu'elles s'expriment par exemple dans l'organisation de l'espace et du temps ou dans la division sexuelle du travail, et de l'autre les structures mentales, ou, plus précisément, les principes de vision et de division inscrits dans les corps et dans les cerveaux, l'ordre masculin s'impose sur le mode de l'évidence, comme parfaitement naturel. En effet, les dominés -dans le cas particulier, les femmes- appliquent à toute chose du monde et, en particulier, à la relation de domination dans laquelle ils sont pris et aux personnes à travers lesquelles cette relation s'accomplit, donc aussi à leur propre personne, des schèmes de pensée impensés qui, étant le produit de l'incorporation de