Plus qu'un nouveau régime politique, où le peuple (demos) a le pouvoir (cratos) de gouverner, la démocratie apparaît toujours, aux yeux de ceux qui assistent à sa naissance, comme une véritable panacée. « Le bonheur est une idée neuve en Europe », proclamait Saint-Just en pleine Révolution. L'idée neuve, c'est celle de bonheur collectif, devenu une affaire politique. Les révolutionnaires français voyaient ainsi dans la démocratie la clef du bonheur, les contemporains de l'écroulement de l'ex-URSS l'occasion de la liberté politique et de la prospérité économiques, les Grecs le seule façon de devenir enfin vraiment humains. Le régime politique démocratique renvoie alors à plus qu'un régime politique : à une société, une vie, une humanité nouvelles. Mais l'expérience historique a montré que la démocratie pouvait aussi apporter autre chose que le bonheur. La démocratie est en partie responsable de l'avènement du fascisme ou du nazisme, pas seulement parce que ces mouvements naquirent du discrédit du système parlementaire, ni même parce que Hitler a été élu, mais parce que les classes bourgeoises ou les possesseurs du capital ont souvent soutenu ces régimes par peur de la démocratie. Il est dans la nature même de la démocratie de pouvoir se renverser à tout moment en son contraire, en tyrannie, observait déjà Platon, contemporain de la première démocratie. Et lorsqu'elle ne se retourne pas en tyrannie, la démocratie ne nous apporte pas le « bonheur » pour autant. De nombreux États démocratiques peinent à lutter contre l'insécurité, le chômage de longue durée, la précarité. Qu'est-ce qui fait alors la valeur d'un régime politique ? Ses conséquences sur la société, son efficacité économique, ce qu'il exige des individus ? Sa capacité à gouverner efficacement, le type d'hommes qu'il porte au pouvoir ? Ou simplement la justesse de son principe politique ? En accordant au peuple la « souveraineté », le pouvoir de décision politique, la démocratie est une preuve de