La fable et la vérité
La Vérité toute nue Sortit un jour de son puits ;
Ses attraits par le temps étaient un peu détruits, Jeune et vieux fuyaient sa vue :
La pauvre Vérité restait là morfondue,
Sans trouver un asile où pouvoir habiter. À ses yeux vient se présenter La Fable richement vêtue, Portant plumes et diamants, La plupart faux, mais très brillants. Eh ! Vous voilà ! bonjour, dit-elle :
Que faites-vous ici seule sur un chemin ?
La Vérité répond : vous le voyez, je gèle : Aux passants je demande en vain De me donner une retraite,
Je leur fais peur à tous. Hélas ! je le vois bien, Vieille femme n’obtient plus rien. Vous êtes pourtant ma cadette, Dit la Fable, et, sans vanité, Partout je suis fort bien reçue ; Mais aussi, dame Vérité, Pourquoi vous montrer toute nue ?
Cela n’est pas adroit. Tenez, arrangeons-nous ; Qu’un même intérêt nous rassemble :
Venez sous mon manteau, nous marcherons ensemble. Chez le sage, à cause de vous, Je ne serai point rebutée ; À cause de moi, chez les fous Vous ne serez point maltraitée.
Servant par ce moyen chacun selon son goût,
Grâce à votre raison et grâce à ma folie, Vous verrez, ma sœur, que partout Nous passerons de compagnie.
« Pour vivre heureux, vivons caché »
Fables
Ecrivain français du XVIII°siècle et petit neveu de Voltaire, Jean-Pierre Claris de Florian fut notamment connu et reconnu pour ses talents de fabulistes. Né en 1755 dans les Basses Cévennes au sein d’une famille de tradition militaire, il choisira cependant une carrière dans la littérature, soutenu et protégé par son oncle, le duc de Penthièvre. Il entrera à l’académie française en 1788 mais quelques années plus tard, en 1794, il mourra suite à la captivité qu’il dut subir lors de la Révolution.
En 1792, Jean-Pierre Claris de Florian publie