La face cachée
Quand on ouvre un livre de l'auteur Éric Laurent, on sait qu'il sera question de complot. Ce journaliste fait de l'enquête depuis des décennies et se balade un peu partout dans le monde. Il aime bien aller aux États-Unis et a publié plusieurs livres-chocs, dans lesquels il débusque les « faces cachées » de l'économie et de grands événements. Après les magouilles du pétrole et les dessous du 11 septembre 2001, il s'attaque aujourd'hui à « une communauté à l'influence disproportionnée qui agit avec un mépris absolu de l'intérêt général », c'est-à-dire le monde de la finance. La face cachée des banques est une charge au vitriol, détaillée et argumentée contre ceux qui ont provoqué la crise financière. Ça se lit comme un roman, c'est bien écrit, et Éric Laurent s'assure de susciter notre indignation. Est-ce le montage qu'il fait des événements ou sont-ce les faits qui sont tout simplement accablants quand on met le casse-tête en place? Oubliez Bernard Madoff, nous dit-il d'entrée de jeu, cette affaire n'est là que pour faire du brouillard sur le vrai scandale: les façons de faire à Wall Street et la complicité de Washington, de Ronald Reagan à... Barack Obama.
Le contrôle des milieux financiers D'abord, des chiffres: le monde financier a acquis au fil des décennies un pouvoir exceptionnel. Selon Éric Laurent, de 1973 à 1985, le secteur financier représentait 16 % de tous les profits dégagés dans le monde. En 1986, 19 %. Dans les années 1990, on a connu des années à plus de 30 %. Au début des années 2000, le monde financier représentait plus de 40 % des profits de la planète. Cette croissance exceptionnelle s'explique par le fait que les banques sont devenues « des marchands de dettes ». Marchands de dettes, les banques ont vendu sur le marché des titres de dettes, ce qui leur permettait de se débarrasser de créances encombrantes et leur donnait plus d'espace pour manoeuvrer, spéculer et échafauder d'autres