La famille de Laetitia
Laetitia, 13 ans, présente touts les signes d’une profonde déprime. On en comprend aisément les raisons quand on connaît son histoire. La fillette était âgée de 7 ans lorsque les médecins ont diagnostiqué une leucémie. A l’époque, elle a surpris une conversation entre sa mère et un interne, lequel s’est laissé aller à faire un pronostic effrayant : « Elle a deux chances sur cent de s’en sortir. » (…) à 9 ans, elle avait été déclarée guérie, comme une autre de ses camarades d’infortune d’ailleurs. Mais voici qu’à l’adolescence, cette camarade fait une rechute et meurt, plongeant Laetitia dans la déprime : cette mort la renvoie à sa propre mort et au terrible pronostic de l’interne. (…)
Je vais voir Laetitia pendant trois ans. Et d’entrée de jeu, je comprends le pourquoi de sa dépression. L’idée de la mort occupe une grande place dans les pensées de l’adolescente. A cet âge, on a souvent moins peur de la mort que de la vie. (…) Comme les autres de son âge, Laetitia voudrait pouvoir mourir ou jouer à la mort sans que la mort s’impose à elle. La disparition de sa copine la replonge dans le passé, dans sa maladie mortelle, lui interdisant d’actualiser sa vie. Alors la maladie lui vole son adolescence. C’est un peu comme ce qui se passe dans les couples : lorsque le conjoint meurt, l’autre le ressent comme une annonce de sa propre mort.
Malgré cela, la dépression va s’évacuer doucement, au fil des séances. Parce que Laetitia, ex-petite fille malade modèle, parvient à dire enfin ce qu’elle a vécu et ressenti. Elle qui ne s’était jamais plainte ose raconter les angoisses, les doutes, les blessures et cela la libère peu à peu d’un poids terrible. (…) Elle peut aussi parler de ses parents, de sa mère presque trop dévouée, jusqu’à l’étouffer, sans jamais lui dire la vérité, et de son père, plus distant, vécu comme menaçant mais, dans le même temps, garant du bon fonctionnement de la famille. (…)
Je découvre aussi l’histoire des deux frères et la façon