La figure dell'intellectuel
"Beaux et grands bâtiments...", 1608, Sonnets, MALHERBE
Beaux et grands bâtiments d'éternelle structure,
Superbes de matière et d’ouvrages divers
Où le plus digne Roy qui soit en l’Univers
Aux miracles de l’art fait céder la Nature;
Beau parc, et beaux jardins, qui dans votre clôture
Avez toujours des fleurs et des ombrages verts,
Non sans quelque démon qui défend aux hivers
D’en effacer jamais l’agréable peinture;
Lieux qui donnez aux coeurs tant d’aimables désirs
Bois, fontaines, canaux, si parmi vos plaisirs
Mon humeur est chagrine, et mon visage triste
Ce n’est point qu'en effet vous n'ayez des appas;
Mais quoi que vous ayez, vous n’avez point Caliste
Et moi je ne vois rien quand je ne la vois pas.
INTRODUCTION
La date, qui renvoie à la mise en ordre du royaume de France par la monarchie, le nom du poète qui symbolisa très rapidement l'exigence d une esthétique rigoureuse pour la poésie (cf Boileau "Enfin Malherbe vint et le premier en France", Art poétique, Ch. I, v. 131-134) et la forme fixe que représente le sonnet, tout concorde pour faire de cette pièce un monument de recherche verbale plus qu'une expression subjective d'un sentiment personnel. La thématique amoureuse de l'absence ne conduit pas le poète à composer un poème d'un lyrisme plaintif qui exprimerait la désolation d'un coeur bouleversé. Le poème reste serein et symétrique, il restaure l'ordre que les sentiments auraient éventuellement troublé, sans laisser passer la moindre ombre.
Les vers, les rimes, les mots et la construction générale du sonnet convergent dans la même direction que le paysage indiqué par le poète. L'art est supérieur à la nature car il lui enlève son principe de variation : les saisons. La raison constructrice est supérieure au coeur instable de l'homme, l'intelligence royale l'emporte sur les malheurs de l'amant solitaire. C'est ce qu'indiquent les contenus du sonnet.
1 Les contenus du sonnet Le poète fait d'abord