La formation des blocs
Son écriture n'appartient qu'à lui. Elle bouscule et vivifie la littérature africaine. Depuis son quatrième roman, Allah n'est pas obligé, prix Renaudot en 2000, Ahmadou Kourouma est entré dans le petit cercle des écrivains francophones reconnus par le grand public. Les jeunes, surtout, sont séduits par ses sujets forts et ses audaces à l'égard d'une langue française joyeusement accouplée avec les rythmes malinké. De passage à Bruxelles pour une adaptation au théâtre d'Allah..., il parle de sa vie, de l'Afrique et des guerres tribales. Colosse souriant de 76 ans, Ahmadou Kourouma est né à Boudiali, dans le nord de la Côte d'Ivoire, région actuellement administrée par un mouvement rebelle. Il est élevé chez son oncle, chasseur, infirmier, musulman et féticheur. Intégré dans l'armée française, il est envoyé en Indochine de 1950 à 1954. Il étudie ensuite en France. Mais l'indépendance de la Côte d'Ivoire, en 1960, précipite son retour au pays. Aussitôt rangé parmi les opposants au régime du président Félix Houphouët-Boigny, il doit s'exiler en Algérie, puis au Cameroun et au Togo, où il travaille comme actuaire. Il trouve alors dans la littérature une patrie à laquelle aucun tyran ne peut l'arracher. Son premier roman, Les Soleils des indépendances, publié en 1970, connaît un immense succès. Il est couronné, entre autres, par l'Académie royale de Belgique, et entre au programme de nombreuses universités. En 1999, il reçoit le prix du Livre Inter pour En attendant le vote des bêtes sauvages, son troisième roman. Le signe d'une reconnaissance due aux lecteurs plutôt qu'au monde de l'édition, qui, un an plus tard, se sentira obligé de participer à l'enthousiasme collectif à l'occasion de la sortie d'Allah n'est pas obligé (Le Seuil). Le roman, qui donne la parole à un enfant soldat ivoirien passé par l'enfer du Liberia et de la Sierra Leone, décroche le Renaudot, le Goncourt des lycéens et plusieurs autres prix. Pourfendeur des dictatures