la fortune des rougon
La Fortune des Rougon, publié en 1871, est le premier volume de la série des Rougon-Macquart, l'ample somme romanesque d'Émile Zola qui en compte vingt. Dans sa préface, Zola présente ce cycle comme « l'histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire ». Le cadre temporel de ce premier épisode, sous-titré par Zola Les Origines, celles de la famille des Rougon-Macquart, correspond au début du Second Empire de Louis-Napoléon Bonaparte. Comme le souligne bien l'auteur, la dimension « sociale » de l'histoire située dans ce contexte historique précis compte autant que sa dimension « naturelle » faisant intervenir l'hérédité.
De fait, dès le premier chapitre du roman, le destin de la famille des Rougon-Macquart rencontre la grande histoire. Le soir du dimanche 7 décembre 1851, à Plassans (Aix-en-Provence ou Flassans dans le Var ?), quelques jours après le coup d'État du 2 décembre qui impose l'instauration du Second Empire, le jeune Silvère Mouret, fils d'Ursule Macquart et du chapelier Mouret, républicain convaincu, a rendez-vous avec la jeune Miette dont il est amoureux avant de rejoindre, le lendemain matin, le groupe des insurgés républicains de Provence. Alors que le jeune couple s'éloigne des faubourgs de Plassans et s'enfonce dans la campagne, jusqu'au petit pont qui enjambe la Viorne, il voit surgir tout à coup la colonne des insurgés, qui descend la route de Nice à travers les coteaux. Le récit s'attarde sur l'évocation de cette « bande », emportée par « un élan superbe » et qui chante la Marseillaise avec « une furie vengeresse ». Mais c'est toute la campagne qui semble se réveiller à cette bruyante irruption et venir ajouter sa voix et son soutien aux couplets révolutionnaires.
Nous nous demanderons comment Zola, qui s'inspire ici d'une situation historique, parvient à transfigurer la scène en un tableau épique, voire fantastique. Nous nous attacherons tout d'abord à voir cette arrivée de la colonne des insurgés comme une scène